La famille s�n�galaise
Comme
sur le reste du continent, la famille reste le noyau
de la soci�t� s�n�galaise. C'est gr�ce � cette famille
que la population �tient le coup� malgr�
la crise chronique que conna�t le pays. Mais c'est aussi
parfois � cause de ce lien pesant qu'il �prouve
certaines difficult�s. C'est en conciliant cette solidarit�
� une conception plus autonome de l'individu que des
progr�s r�els pourront �tre r�alis�s. Le probl�me, car
c'en est un en partie, saute tout de suite aux yeux
de l'�tranger. Les S�n�galais en ont conscience et tentent
petit � petit de le r�soudre : le travail, denr�e rare
et presqu'introuvable en milieu urbain, est syst�matiquement
donn� aux parents plus ou moins proches de la personne
charg�e de recruter. Le probl�me engendr� par ce comportement
est multiple : d'une part, le parent employ� n'aura
pas forc�ment les qualit�s requises pour cet emploi.
S'ensuit donc une multitude d'erreurs commises par ces
personnes non qualifi�es. D'autre part, les �tudes pourtant
tr�s pris�es par les S�n�galais, ne serait-ce que par
enrichissement culturel, ne peuvent qu'�tre d�valoris�es
par ce genre de recrutement familial : �pourquoi
�tudier puisque mes relations familiales ne me permettront
pas d'avoir un emploi correspondant � ma qualification?�
Et inversement : �pourquoi �tudier puisque de
toute fa�on mon oncle bien plac� dans l'entreprise X
me fournira un emploi ?�. Un certain d�couragement
s'empare donc des jeunes qui deviennent souvent fatalistes
ne voyant comme unique solution que l'�migration.
Photos : � droite
des enfants de la campagne, ci-dessous � gauche
une famille nombreuse koldoise
Les
petites annonces d'emplois propos�es par les organisations
internationales ne sont m�me plus lues par les dipl�m�s
puisqu'ils savent que c'est un S�n�galais qui s'occupe
du recrutement et que l'annonce n'est qu'une formalit�
impos�e par les entreprises �trang�res ! Le r�sultat
de cette pr�f�rence familiale, ph�nom�ne
humainement compr�hensible mais �conomiquement d�plorable,
fait que les familles riches ont tendance � s'enrichir
gr�ce � la multiplicit� des emplois et que les plus
pauvres stagnent dans leur mis�re. On se souviendra
de cette annonce n�crologique sur une radio nationale
concernant un cadre d'Air Afrique : �Mme Fatou
X, sa tante, gestionnaire � Air Afrique, Mr Hassan X,
son fr�re, contr�leur a�rien � Air Afrique, Mr Mamadou
X, son fr�re, agent d'entretien � Air Afrique, etc...ont
la douleur de vous annoncer etc....�. On comprend
d�sormais mieux la faillite de cette compagnie a�rienne
banani�re o� le recrutement familial �tait la r�gle
et o� la moiti� des passagers voyageaient � l'oeil b�n�ficiant
des billets gratuits r�serv�s au personnel et � leur
famille.
N�anmoins, en milieu rural, ce ph�nom�ne
s'att�nue du fait de la quasi-absence de travail salari�.
Tout le monde est agriculteur, fonctionnaire ou artisan et personne ne ch�me vraiment.
Cette solidarit� familiale loin de s'exercer uniquement
dans les situations favorables se manifeste �galement
en cas de probl�me. Rares sont les S�n�galais d�munis
face � une perte d'emploi ou au d�c�s d'un proche. Il
y aura toujours un lit, toujours une assiette pour un
fr�re, un neveu, un grand-p�re ou une arri�re-petit-cousin
dans l'embarras. C'est m�me un devoir d'aider cette
personne, au risque, si on ne le fait pas, de passer
dans le village pour un parent indigne. La majorit�
des S�n�galais �tant dans �l'embarras� on
comprend mieux pourquoi une personne qui travaille peut
en avoir vingt autres � sa charge ! D'autant que la famille au S�n�gal s'entend au sens large. Cousin, arri�res-cousins ou petits-neveux sont consid�r�s comme de la famille proche. La polygamie pratiqu�e au S�n�gal accentue encore ce ph�nom�ne. Il est fr�quent d'ailleurs, lorsqu'un S�n�galais �voque un de ses fr�res, qu'il pr�cise "m�me p�re, m�me m�re" (le cas �ch�ant !). Avec un taux de fertilit� de 4,69 enfants par femme (25�me rang mondial en 2012 !) les familles sont donc nombreuses.
Ce besoin de �bien para�tre� aide �galement � comprendre pourquoi lorsqu'un membre de la famille commet un acte r�pr�hensible par la loi ou condamnable par les traditions, c'est sur tous les parents que rejaillissent la honte et l'opprobre, sur plusieurs g�n�rations. L'h�ritage des vieilles traditions familiales se voie dans la vie de tous les jours. Dans la plupart des familles par exemple les hommes mangent de leur c�t�, alors que femmes et enfants mangent � part.