DOSSIER SUR LES TRANSPORTS URBAINS DE DAKAR ET DE SA BANLIEUE
Réalisé par Oumar DIOUF, Habib Demba Fall et Doudou Sarr NIANG, du Soleil
L'enfer de la circulation à Dakar
·
Sale temps pour les banlieusards
!
· Les
banlieusards laissés au bord de la route
· Dans
la mêlée, tous les taxis sont des clandos !
·
Le calvaire des banlieusards à la descente
·
Oeuvre sociale roulante
·
Je le veux, mon taxi clando
!
La décision d'interdire les taxis " clandos " de certains circuits du centre-ville a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Les banlieusards (de Pikine, Guédiawaye, Thiaroye et Yeumbeul) qui avaient trouvé dans ce mode de transport, une bouée de sauvetage depuis la liquidation de la Sotrac, ne savent plus aujourd'hui à quel moyen de transport se vouer : urbain, en commun ou clandestin. Se rendre en ville est devenu une véritable galère dans un contexte socio-économique difficile pour les gagne-petit que sont la plupart des Sénégalais. Au calvaire de l'attente dans les différentes têtes de lignes, le matin, se glisse une hausse pour le moins déguisée des prix du transport qui ne cesse de grever les petites bourses. L'enfer en banlieue, c'est à n'en point douter le transport !
Sale temps pour les banlieusards !
Sale temps pour les banlieusards obligés
de battre le macadam à longueur de journée pour se "
taper " un " Ndiaga Ndiaye ". Déferlante
est cette vague qui prend possession de la rue 10 de
Pikine tous les jours de 6 heures du matin à midi, à
la recherche d'un hypothétique moyen de transport pour
rallier le centre-ville. La procession, longue de près
de deux kilomètres entre le carrefour de la route des
Niayes et la mosquée " Ndank-Ndank ", a des
allures de marée humaine. Le spectacle de ces bonnes
femmes coincées sur le marchepied avec armes et bagages
est désolant. Ici, aucun quartier n'est fait aux vieilles
personnes ou aux femmes bousculées avec hargne. Quitte
à rester en rade pour une bonne partie de la journée.
Pour la plupart, elles avaient trouvé leur gagne-pain
dans la vente d'eau fraîche, de jus de fruits. Une demi-journée
perdue pour elles est difficilement rattrapable par
ces temps qui courent. " Oh mon Dieu ! Il faut
qu'une solution soit trouvée à cette galère au quotidien.
Sinon, comment devons-nous faire pour joindre les deux
bouts d'autant plus que les enfants comptent sur les
premières recettes de la journée pour aller au marché
". Triste journée vécue par Mme N. Gaye ce lundi
matin. D'habitude, elle était d'attaque à 5H 30 du matin
pour prendre les premiers cars en partance pour l'axe
" Pompier-Mairie-Port ". Un petit coup de
somme de trop et la voilà complètement désemparée, regardant
avec amertume les bassines posées à ses pieds.
Dans cette ambiance teintée de colère, ceux qui rouspètent
le plus sont les travailleurs et autres acteurs du secteur
informel, ceux-là qui sont abonnés aux retards depuis
quelque temps. Et les plus éprouvés semblent être les
fonctionnaires obligés de défaire leurs cravates pour
ne pas tomber en syncope au cours de la traversée de
Pikine. Au bureau, ils devront aussi présenter mille
excuses pour le moins valables les uns et les autres
afin de ne pas recevoir les foudres du Chef du personnel
ou du contremaître.
"Depuis plus d'un mois, je n'arrive au bureau qu'à
11 heures. C'est vrai que le transport est dans une
passe difficile. Mais, il faut comprendre qu'avec la
modicité de nos primes de transport, nous ne pouvons
qu'être abonnés aux cars rapides et autres "Ndiaga
Ndiaye". C'est vraiment lamentable", explique
M. Diagne. "Onze mille francs par mois, c'est de
la misère. Si au départ, je pouvais me permettre de
prendre le clando le matin à 250 F et le soir un "
Ndiaga Ndiaye" à 100 francs, aujourd'hui, les clandos
ont adopté une attitude de défiance vis-à-vis de nous,
en haussant de manière vertigineuse les prix indexés
à 500 francs et les "Ndiaga Ndiaye" ne veulent
pas franchir le pont de Colobane. Et si, par malchance,
on accepte de jouer le jeu des apprentis, il va falloir
débourser trois cents francs pour espérer se retrouver
au garage Esso du Port", souligne-t-il.
Non loin de là, à la station Shell de Tally Boumack,
les cars rapides ont adopté le même profil : Terminus
"Bountou Pikine" (à la sortie de Pikine :
Ndlr), pour la modique somme de 50 francs. De quoi mettre
pourtant plus d'un usager dans tous ses états. Alors,
les chauffeurs des "clandos" se mettent à
déguster tranquillement leur petit-déjeuner, se permettant
d'échanger quelques amabilités sur le sort des usagers
avec leurs collègues des "rapides", assis
sur le même banc. Ici, les rares taxis urbains sont
envahis par une foule prête à débourser plus qu'il ne
faut pour sortir de cet univers de galériens ; presque
500 francs.
"J'ai déjà été "attesté" (dans le jargon,
document matérialisant la contravention : Ndlr) par
les policiers en faction. Avant que je ne sorte de Pikine,
il faut que je réunisse au moins les deux tiers de mon
versement journalier ", explique Serigne Cheikh
S. "Car, poursuit-il, entre Yarakh et Dakar, je
suis obligé de débourser encore de l'argent pour pouvoir
assurer ma matinée dans ce circuit. S'il faut payer,
je préfère le faire une seule fois et dans une même
direction".
Un propos qui laisse de marbre les clients conscients
de la complicité qui règne entre les acteurs de la circulation
routière. "Certes, il est vrai que cette question
doit être prise en considération mais il ne faut pas
oublier qu'aller à Dakar en passant par Yarakh ou Grand-Yoff
n'est pas rentable. Nous perdons beaucoup de temps,
nous passons presque deux heures sur le trajet qui doit
durer, en principe, quarante-cinq minutes", note
pour sa part Baye Mor au volant de son "Ninja"
déglingué et connu de l'axe "Sicap-Fann-Demba Diop".
Un circuit devenu, par ces temps de vacances, peu avantageux
pour les chauffeurs ; l'essentiel de la clientèle étant
composé d'étudiants. "Non, c'est tout simplement
parce qu'ils veulent se payer la tête du client. Car,
pour aller en ville, il faut nécessairement débourser
plus de trois fois le tarif normal. C'est inadmissible",
fulmine un client.
Au-delà des raisons pécuniaires invoquées, les chauffeurs
redoutent pour autant les embouteillages monstres et
les bouchons multiples dans les différentes artères
menant au centre-ville ; la route de Rufisque et pis
l'autoroute dans ses tronçons Khourounar-Croisement
Cambérène ; Patte d'Oie-Malick Sy, plus particulièrement
à la sortie de Colobane. Une fois sortie des affres
de l'attente, les usagers se doivent de garder leur
mal en patience et les chauffeurs de ronger leurs freins,
plusieurs heures durant, entre la banlieue et le centre-ville.
"C'est cette situation qui nous oblige souvent
à nous détourner de ces axes routiers. Car, au-delà
du retard accusé, nous risquons de voir nos moteurs
prendre un coup de chaleur. Les conséquences sont dramatiques
pour des gagne-pain comme nous", affirme M. Diop.
Pourtant, avec l'élargissement du tronçon Fass Mbao-Patte
d'Oie, il s'agissait de mettre un terme aux embouteillages
monstres qui gangrenaient la circulation. Malheureusement,
depuis quelque temps, les choses vont de mal en pis.
"Lorsque les gendarmes étaient postés au croisement
de Cambérène, la situation était pour le moins tenable.
Mais, aujourd'hui avec la mise en service des feux tricolores,
elle s'est un peu corsée. Ceux qui vont à Dakar devraient
avoir un temps d'attente moins long. Malheureusement,
le temps est réparti à part égale, de telle sorte qu'au
niveau des axes transversaux, même s'il n'y a aucun
véhicule, nous sommes obligés d'attendre que le feu
vire au vert. Cette disposition est à revoir",
déplore Baye Mor.
A Pikine, les rares cars rapides qui s'évertuent à prendre
la direction de Grand-Yoff ne peuvent pas aller plus
loin. "Liberté VI , Khar Yalla, Castors" sont
bannis du langage des apprentis et autres "coxeurs"
chargés de rabattre les clients. Beaucoup de clients,
faute de n'avoir pas compris cette nouvelle et subite
décision, se voient débarqués dans la nature. Alors,
il va falloir prendre son courage à deux mains, quitte
à se payer une séance de pugilat avec les apprentis
à la station de la Patte d'Oie. Tout en évitant de se
faire planter un canif au bas-ventre.
Doudou Sarr NIANG
Les
banlieusards laissés au bord de la route
A onze heures encore, il y a foule de part et d'autre
de la chaussée. Partout, c'est le même spectacle : de
Thiaroye à Tally Icotaf jusqu'à cette marée humaine
assiégeant l'espace situé entre deux stations d'essence,
à l'entrée de Tally Boumack. A Thiaroye-Gare, ces images
sont devenues des classiques du décor. Les cars rapides,
sur Tally Diallo, n'arrivent plus à résorber le flux
de voyageurs désireux de se rendre en ville. La destination,
qui ressort le plus des hélées des apprentis, est Pikine,
à quelques petits kilomètres d'ici. Loin donc de Dakar,
destination des habitants de ces quartiers dortoirs
pour leurs activités durant la journée. Comme ces cars
rapides encore, les " Ndiaga-Ndiaye " sectionnent
le trajet en deux, voire trois parties. Juste pour empocher
un surplus. Une pratique qui laisse en rade les voyageurs.
Dans cette longue attente, un voyageur, ayant poireauté
pendant deux ou trois heures, trouve toujours du plaisir
à cracher son dépit. Surtout s'il est un abonné des
clandos menacés d'interdiction.
" Les taxis clandos sont une solution de rechange
pour nous autres banlieusards, simplement parce que
nous vivons avec les moyens du bord. On n'a pas, chaque
jour, les moyens de nous payer le luxe des taxis ",
estime Cheikh Tidiane Sène. Son propos est loin d'être
enveloppé dans du velours. Les mimiques sur son visage
et ses joues expriment même son exaspération. "
Comprenez que Dakar est confrontée à un problème de
transport. Je ne sais pas où les décideurs sont allés
chercher la justification d'une interdiction de circuler
dans certaines zones à l'encontre des clandos, mais
une chose est sûre : les clandos sont une solution de
rechange. Il faut même créer d'autres clandos, si vous
voulez, car les moyens existants ne peuvent pas satisfaire
les besoins", théorise-t-il.
Des dizaines de personnes, comme lui, rongent leurs
freins. Les apprentis sont intraitables lorsqu'il s'agit
de mettre le cap sur Dakar. Ils ne marchent pas, eux
qui, sur leur marchepied, " torturent " les
voyageurs en prolongeant leur attente. Les taxis clandos,
aussi, se font rares. Le spectacle, au final, est celui
d'une massification d'hommes et de femmes ; c'est aussi
celui d'une foule mouvante au gré des arrivées et des
départs de cars. Dans l'espoir de sauter dedans. Mais
ils ne sont pas pris à bord, ces banlieusards. Soit
les cars ont fait le plein, soit le trajet sectionné
les lèse. Dans ce désordre, les clandestins jubilent,
eux qui sont menacés de disparition depuis quelques
jours. "Il y a une saturation dans le secteur des
transports, les véhicules sont nombreux certes, mais
ils n'arrivent pas à résorber toute la demande en transport.
Les clients sont très nombreux. Ils poireautent ici
sur le terre-plein de la station, du début de matinée
à dix heures, et même au-delà, à midi alors que les
taxis et autres bus circulent. Pourquoi donc vouloir
nous faire disparaître de la circulation ? ", se
demande Mor Guèye, un des chauffeurs du garage de Tally
Boumack. " Il y a parmi nos clients des démunis
ne pouvant se payer le luxe de prendre un " taxi-compteur
" qui demande en général 2.000 ou 2.500 francs.
Quant à nous, nos prix, c'est 300 francs ", poursuit-il.
Ousseynou Ndong, chef du garage des clandos de Pikine
Tally-Boumack s'introduit dans la brèche ainsi ouverte.
" Il arrive qu'il y ait des malades la nuit. Allez
réveiller un taximen et qu'il vous fasse un tarif pour
l'hôpital, vous allez siffler. Mais tenez, n'importe
quel chauffeur de clando, à qui vous payez 1.500 francs,
vous emmène votre malade à l'hôpital et ceci à n'importe
quelle heure. Donc le clando est d'une certaine utilité
pour les populations. Les chauffeurs sont les mêmes,
des clandos aux taxis. Et qu'on soit d'accord ou pas,
les populations ont besoin de ces clandos. C'est clair",
dit-il. Le flux grossit d'une minute à l'autre. A défaut
d'avoir un car pour Dakar, les banlieusards font de
cette zone un espace de transit. Ces voyageurs laissés
au bord de la route viennent de Hamo 6, de Marché Boubess
à Guédiawaye, de Thiaroye, voire Yeumbeul.
Et dans un clando, de Pikine à Dakar, le panorama reste
le même. Aux arrêts habituels, c'est la ruée vers le
premier moyen de transport qui s'arrête. Et ce, jusqu'au
Terminus de la rue Paul Holle angle Tolbiac. Sur ses
bagages, cette marchande est assise. Elle accuse un
coup de fatigue sous la forte chaleur. Elle attend de
pouvoir rentrer à Guédiawaye. " J'attends mon clando.
Sinon, il me faut emprunter trois cars entre mon lieu
d'habitation et ici. En plus, je paie100 francs par
carton. Cela me revient non seulement cher, mais je
dépense beaucoup d'énergie alors que les clandos me
demandent seulement 500 francs ", souligne Marème
Thioune.
Dans les garages, des liens se tissent parfois entre
clients et chauffeurs. Les uns deviennent quelques fois
les compagnons de galère des autres. " Pendant
des années, des liens se tissent entre les clients et
nous. Il arrive même que des clients aient des préférences
pour tel ou tel autre chauffeur. Quitte à attendre que
vienne le tour de son chauffeur préféré ", souligne
Mamadou Diop, chauffeur au garage de Pikine-Tally Boumack.
Mais, par ces temps qui courent, on n'a pas le choix
: l'attente est tellement longue, les moyens de transport
si rares
Habib Demba FALL
Dans
la mêlée, tous les taxis sont des clandos !
A l'embranchement des routes Tally Boumack
et la bretelle menant à Khourounar, le clando s'arrête.
Juste pour permettre à un client de faire passer une
commission dans la maison d'à côté. Crissements de pneus
et un autre clando s'arrête. " Ça va ? ",
questionne le conducteur. " Oui, tout va bien !
", répond Cheikh Diaw, au volant de son taxi dit
clandestin. La scène dénote une certaine vigilance qui
règne dans ce milieu menacé d'interdiction de circuler
dans certains secteurs de Dakar. La solidarité aussi.
Pourtant, les chauffeurs de taxis clandos se défendent
de léser qui que ce soit. " Rien ne pourra amener
la clientèle des taxis à prendre des clandos. Il y a
des gens qui ont les moyens de se payer une course.
D'autres pas. Ces derniers jettent leur dévolu sur les
clandos. Ils prennent même la peine de quitter Thiaroye
ou Guédiawaye pour venir nous retrouver ici, à Pikine
Tally Boumack. Quel client de taxi urbain consentira
cet effort ? Alors, que l'on ne me parle pas de concurrence
! ", s'offusque Mamadou Diop, chauffeur au garage
de Tally Boumack. Ces chauffeurs de clandos accusent
plutôt les taximen d'avoir investi un créneau qui n'était
pas le leur : " depuis quand reconnaît-on aux taxis
l'habitude de prendre des clients par quatre et de leur
faire payer un tarif de 2.000 francs à raison donc de
500 francs par voyageur ? ", s'interroge M. Diop.
" C'est bien une pratique des clandos plus proches
des couches sans revenus ! ", insiste-t-il.
A Pikine ou aux garages de Lamine Guèye et Paul Holle
angle Tolbiac, les jaune et noir sont en embuscade.
Pourtant, ils ont pesé sur la balance pour décrocher
une interdiction à l'encontre des clandos. Et ce sont
ces mêmes taximen qu'on voit prendre la relève des clandos
dans des circuits qui étaient, il n'y a guère, quelque
peu dégradants pour eux les réguliers, car réservés
au petit peuple. " Il y a quelques années, les
seuls taximen qui prenaient des clients par quatre à
partir de la banlieue pour les emmener en ville le faisaient
lorsqu'ils regagnaient leur poste de travail. Aujourd'hui,
la pratique s'est généralisée. Allez donc chercher qui
a empiété dans le domaine de qui ", ironise Ousseynou
Ndong, chef du garage de Pikine Tally Boumack.
D'autres, qui se tiennent en embuscade, sont les particuliers.
Ils marchent sur les pneus des clandos. La banalisation
aidant - puisque les taxis clandos ne sont plus forcément
peints en blanc et vert -, ils empruntent les mêmes
trajets que les vrais " clandestins ". Des
fonctionnaires, des commerçants se payent des voitures
à 2 millions et demi et les placent dans le circuit.
Dans le lot aussi, il y a la trouvaille des conjoncturés
: en rentrant, ils prennent des clients à bord, de la
manière la plus discrète possible. Le soir, ces mêmes
messieurs confient le volant à un chauffeur ou le prennent
eux-mêmes pour quelques billets. Histoire d'arrondir
les fins du mois mais aussi d'équilibrer quelque peu
le budget " carburant ".
Habib Demba FALL
Le
calvaire des banlieusards à la descente
Un, deux, trois
Onze cars embarquent les passagers.
Plus d'une dizaine d'autres " Ndiaga-Ndiaye "
et " cars rapides " attendent leur tour pour
en faire de même. Direction : Rufisque, Pikine, Guédiawaye
ou les Parcelles assainies. Les apprentis crient, à
tue-tête, leur destination, aidés en cela par les "
coxeurs ". Le garage de Sahm, au croisement des
avenues Cheikh Anta Diop et Blaise Diagne, regorge de
ces rabatteurs de clients à vingt heures. Sur plus de
deux cents mètres, aux abords des deux trottoirs, les
voyageurs font le pied de grue. Une jeune femme, surgie
avec son baluchon, est presque happée par des bras qui
l'incitent à monter dans un des cars rapides. Elle oppose
un refus catégorique en déposant ses bagages par terre.
Habitant Yarah, elle est vendeuse de salade au marché
Tilène, depuis des années. " Chaque jour, c'est
le même scénario. Pour venir le matin, trouver un véhicule
est très difficile pour moi. Le soir, je peux perdre
plus d'une heure pour rentrer à la maison ", se
plaint-elle. " Vous avez vu ce qui se passe Monsieur,
inutile de vous dire que les banlieusards ont des problèmes
de transports ", coupe un homme à côté d'elle.
Et il désigne de la main la foule squattant les véhicules
arrêtés pêle-mêle aux abords du canal fermé de ce coin
de la Gueule-Tapée.
Ici, au moindre mot désignant une direction de la banlieue
par l'apprenti ou les " coxeurs ", et voilà
le car pris assaut par les passagers. Moussa Sall, rouspétant
à la suite de la dame de Yarakh, fait le trajet presque
tous les jours, entre Guédiawaye et le centre-ville.
Gérant son propre business, ce qu'il trouve salutaire,
il fait remarquer qu'il arrive au travail toujours en
retard. Parfois, entre dix et onze heures. "Le
matin, je prends jusqu'à trois véhicules pour arriver
à Dakar. Mais, le soir, pour retourner, je ne suis pas
pressé, je peux patienter jusqu'à vingt-deux heures.
C'est mieux que de se faire blesser dans ces bousculades,
ou se faire détrousser par quelques indélicats ",
confie M. Sall. Ce qui le rebute surtout, ce sont les
" chantages des chauffeurs et des apprentis ".
Certains, devant la demande accrue de véhicules et l'afflux
de passagers, font monter les enchères. Seules les courtes
destinations : Patte d'Oie, Hlm, Grand-Dakar ou Colobane
sont déclamées. " Nous sommes obligés de prévoir
une certaine somme pour pallier cette situation ",
reconnaît Moussa Sall.
Un jeune apprenti ne réfute pas ces remarques. "
A vingt heures, je suis à mon deuxième voyage. Du garage
de Sahm, j'embarque des passagers pour Yarakh-Magasin
à raison de 100 francs par client, une fois sur place,
j'opte pour Tally-Boumack, pour 75 francs. Arrivé à
Pikine, enfin, je prends des passagers de Guédiawaye
en leur faisant payer 50 francs " Pour justifier
cette méthode, le jeune homme fait remarquer qu'il paye
un ticket de 300 francs tous les matins en embarquant
des passagers au garage de Sahm et 100 francs après
chaque autre départ dans la journée sur les lieux. Des
détails qu'ignore le vieux banlieusard, Doudou Diaw.
Selon les remarques de ce travailleur de la rue 6 :
" les conditions de transports que vivent les banlieusards
sont lamentables. Non seulement les véhicules ne sont
pas en nombre suffisant, mais il n'y a plus de bus.
Et pis, les taxis-clandos, qui acheminaient les banlieusards
à Dakar pour aller au travail, ne viennent presque plus
". Il avoue être sur les lieux depuis presque une
heure et demie. Mais l'habitude lui permet d'être patient.
Il se résignera peut-être en prenant deux fois le car,
pour rentrer chez lui, à Guédiawaye. " Je trouve
un car jusqu'à Pikine-Rue 10, ensuite je me débrouille
avec un autre qui m'emmènera jusqu'à Guédiawaye. Et
le tout me revient entre 150 et 200 francs ", évalue
M. Diaw. Selon ses remarques, les déboires que connaissent
les banlieusards pour leur acheminement à leurs lieux
de travail, et leur retour, le soir, seraient atténués
par l'arrivée de bus en nombre suffisant pour renforcer
les cars urbains déjà existants et la création de lignes
directes pour rallier Dakar à la banlieue.
Au garage de Sahm, plus d'une centaine de véhicules
embarquent des passagers la journée durant. Selon les
estimations du président du garage, Abdou Khadre Sylla
: " c'est à 16 h que les clients affluent. Ce sont,
pour la plupart, des commerçants, des fonctionnaires,
des étudiants ou des clients du supermarché d'à côté.
" Jusqu'à 22 h, c'est la course-poursuite entre
les clients et les véhicules. Les clients, dans la précipitation,
ne donnent même pas le temps aux passagers de débarquer.
" Nous avons sensibilisé les apprentis à fermer
les portes des cars à leur arrivée au garage. Mais,
les clients ont un besoin pressant de moyens de transport.
Ils se bousculent au portillon et certains se blessent
ou se font détrousser ", poursuit le président
du garage. Mais, pour parer aux petits larcins, le président
et son équipe ont mis sur pied un comité de vigilance.
Néanmoins, il admet que la priorité, c'est surtout d'aider
les banlieusards à rentrer le plus tôt possible, tous
les soirs. " A l'instar des cars urbains, les taxis-clandos
ont un rôle important à jouer dans cette vaste entreprise.
Il y a en qui stationnent aux abords du garage de Sahm,
donc ils doivent continuer à assurer la liaison entre
Dakar et la banlieue ".
Selon le Vieux Diaw, habitué des véhicules particuliers
et taxis clandos, on peut en trouver le matin au marché
de Guédiawaye. Mais le véritable problème demeure le
retour des populations de la banlieue dans leurs foyers
après les coups de dix-huit heures. Il trouve qu'il
faut " chercher de grands véhicules, comme les
bus et de bonnes lignes, à savoir Pikine-Colobane ;
Pikine-Fann ou Pikine-Tilène ".
Omar DIOUF
uvre
sociale roulante
Certes le droit a été dit par le Premier ministre en
interdisant les taxis "clandos" de circuler
en ville. "Clando", le mot est lâché. Dans
le jargon, les Sénégalais sont allés jusqu'à oublier
que ce terme est un diminutif de "clandestin"
c'est-à-dire "illégal", "hors-la-loi".
Et les chauffeurs, vis-à-vis des flics, ressemblent
plutôt à des desperados. Mais, que voulez-vous, les
gens ne parviennent même plus à voir "la queue
du diable" (pardonnez-moi l'expression) qu'ils
se plaisaient à tirer de temps à autre pour sortir de
la dèche dans laquelle ils étaient tombés. Voilà que
les clandos deviennent des uvres sociales roulantes.
Une figure qui rappelle de vieux souvenirs pour ceux
qui n'avaient pas compris la signification de l'avant-dernière
hausse du salaire des députés. Le Président Cissokho
avait clamé urbi et orbi que les honorables parlementaires
étaient des uvres sociales ambulantes. Qu'on nous
permette de lui emprunter cette formule. Les clandos,
par ces temps qui courent, sont devenus de véritables
uvres sociales ambulantes. Demandez à un jeune
cadre qui n'a pas même pas de quoi se taper une bagnole,
encore moins avoir le courage de prendre un taxi urbain
sous peine de vider complètement ses économies de la
semaine au profit d'un chauffeur de taxis "réglementaire".
Vieille guimbarde certes à l'image de ce clando qui,
tous les jours, sous les coups de 9H 30 à la Rue 10
ploie sous la charge d'une dizaine de femmes et pas
moins de quinze paniers remplis de sardinelles (yaboy).
Elles vous diront que sans ces "bannis" de
la circulation, "lambaaye gnaawe".
Il est vrai que l'avènement des clandos a été favorisé
par la déliquescence des "Ndiaga Ndiaye",
dernier refuge des chauffeurs de cars rapides qui ont
tué même l'essence de ce mode de transport. Le lourd
passif de "s'en-fout-la mort", ils l'ont colporté
dans l'axe Colobane-Pompier-Mairie-Port. Si à la Rue
10 on pouvait se permettre de rejoindre le centre-ville
en vingt minutes pour seulement 100 francs, voilà aujourd'hui
qu'il faille attendre des heures durant, debout, prêt
à aller au front de la bousculade et des empoignades.
Les clandos, qui étaient devenus la limite la roue de
secours, sont aujourd'hui rentrés dans la clandestinité,
empruntant des chemins pour le moins tortueux afin d'échapper
à la règle. Et si l'un d'entre eux pointe le bout de
sa carrosserie à l'avenue Lamine Guèye, bonjour la misère
! Peut-être parce qu'ils ne sont pas peints en vert
et blanc. Une couleur à la longue devenue ridicule pour
ces Mercedes, Renault 405 et autre Golf Gti qui font
du "waxaalé" pour ne pas dire du "dumping".
Alors sur le terrain, des clandos en chassent d'autres.
Et les taxis urbains jouent aux pyromanes. Où est la
concurrence déloyale d'autant plus que chaque mode de
transport a son public, ses habitués et des abonnés.
Alors, doit-on tirer sur un corbillard d'autant plus
qu'il va tout droit au cimetière. Non ! Pour nous banlieusards,
vivement l'avènement de "Dakar dem dikk",
la nouvelle régie de transport. Alors, en bon citoyen,
on serait ponctuel au boulot
.
Je
le veux, mon taxi clando !
Sandaga, douze heures, à la rue Paul Holle angle Tolbiac.
Véhicules, piétons, vendeurs d'eau et de jus de fruits
se disputent l'étroite chaussée laissée par les magasins.
C'est le moment choisi par certains acheteurs, venus
chercher de la marchandise auprès des grossistes, pour
regagner leur domicile situé, pour la plupart, dans
la banlieue dakaroise. Les voyageurs, des commerçants
en général, se disputent les quelques taxis jaune et
noir visibles aujourd'hui dans le " garage "
de ces véhicules communément appelés clandos. Il s'est
vidé de ses occupants habituels, depuis l'interdiction
faite, par ordre ministériel, à cette catégorie de taxis,
de " travailler " en ville. Une remarque faite
par un des " coxeurs " venus au secours des
passagers désorientés. Visiblement ces derniers ne sont
pas contents des prix fixés par les chauffeurs de taxis.
" Ils ne valent pas les clandos ! ", s'insurge
un banlieusard arrêté à côté d'un gros baluchon. Boutiquier
à Thiaroye, il s'est vu taxé le prix du trajet à 1.500
f par un chauffeur. Avec les véhicules clandos, il payait
la moitié de cette somme. " Ce sont les clandos
qui nous arrangent. Avec eux je serais déjà arrivé chez
moi. Mais, à cause de mon baluchon, les chauffeurs de
taxi veulent me faire payer ce prix ". Le mot est
lâché. Selon les remarques des passagers, les taximen
ont " horreur " des bagages lourds. "
Ils n'ont qu'à laisser donc les chauffeurs de clandos
amener les bagages ", fulmine un autre client cherchant
un véhicule pour rentrer à Pikine-Icotaf.
Dans ce garage de véhicules clandos, les coûts des trajets
sont presque fixes, et l'arrivée des taxis, depuis une
dizaine de jours, suite à l'interdiction, a bouleversé
les prix et même les habitudes. " Je n'amène pas
de bagages ", coupe stoïquement un taximen à l'endroit
du bonhomme qui daigne lui payer 1.250 f pour aller
à Thiaroye. Sur ces entrefaites, son compagnon annonce
l'arrivée d'un véhicule clando. Las ! Le chauffeur,
un vieux aux allures de retraité, referme tout simplement
la portière de sa bagnole avant d'emprunter l'étroite
chaussée menant à l'avenue Lamine Guèye. Titulaire d'un
livret de taximen, selon ses dires, Cheikh Dieng se
contente depuis un certain temps de son véhicule pour
se faire de l'argent. " Je n'ai pas de taxi, mais
à bord, mon véhicule particulier, je peux prendre un
client de la banlieue en venant le matin à Sandaga.
Ainsi je parviens à compléter le prix d'achat de gas-oil.
Nous faisons cela pour subvenir à nos besoins et nourrir
nos familles", confie-t-il, comme pour justifier
la présence des véhicules clandos et particuliers dans
le circuit du transport urbain dakarois. Selon lui,
après la mesure prise à l'encontre de cette catégorie
de transporteurs : " on devrait définir les conditions
de travail des taxis et des véhicules clandos, pour
qu'il n'y ait pas empiètement sur le domaine des uns
et des autres ". Et pour illustrer ses propos,
Cheikh Dieng précise que les chauffeurs de clando, en
quittant Pikine, ne bifurquent ni dans les quartiers,
et ne prennent pas de clients en route. " Ils font
le trajet sans arrêt, contrairement aux taximen tournant
dans les coins et recoins à la recherche de clients
", fait-il remarquer.
Mais aujourd'hui, les taximen ont retenu la leçon. Ils embarquent les clients en partance pour la banlieue par quatre. La seule fausse note : les habitués des véhicules clandos ne décolèrent pas. " Les taxis clandos nous sont utiles ; on devrait les laisser travailler ", lance un vieux, allégrement couché sur un ballot de marchandise, devant un magasin. Cela fait des lustres qu'il voit ces véhicules particuliers acheminer les clients vers la banlieue. " Ils sont là le matin à la rue Paul Holle, dès sept heures trente et s'approchent de l'avenue Lamine Guèye vers les coups de dix-neuf heures. Amou gnou morom ! " (ils sont inégalables !), témoigne le sexagénaire à l'endroit des clandos, devenus subitement absents des lieux.
Réalisé par Oumar DIOUF, Habib Demba Fall et Doudou
Sarr NIANG, du Soleil
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MERCI DE ME DES RENSEIGNEMENTS
QUELS SONT LES PROBLEMES SOCIAL
slt c est moi abouuddiop
Jeudi 3/9 mon fils a pris un taxi pour revenir à son appartement. Il était chargé et il a oubli son appareil photo sur la banquette arrière. Il s'en est rendu compte presque tt de suite mais le taxi avait déjà redémarré. Il avait été déposé en soirée à Hann Maryste 2, au marché ou supermarché je crois au pied de l'appart. Il a attendu 1 heure à l'endroit où il avait été déposé mais le taxi n'est pas revenu. Soit il a gardé pr lui l'appareil, soit le client suivant l'a volé. Il a été porté plainte le lendemain à la gendarmerie. C'est bien malheureux de ne pas pouvoir faire confiance. Il était venu 6 semaines en humanitaire à l'hopital comme kiné bénévole sans rien recevoir en paiement et il est remercié par un vol de son appareil (1000 photos dedans !)Bien sur ce ne sont pas les mêmes personnes ! Mais Tous les blancs ne sont pas des riches à plumer. Lui était venu rendre service gracieusement. On en a gros sur le coeur.
bonjour,en ce qui concerne les taxi,pas plus tard que ce week end,je me suis fais presque poursuivent et bouculè par plusieur d'entre eux devant le meridien president,ils demandaient des prix exorbitant(5000 ?7000,pour mermoz)du vol,et quant mon amie et moi avont voulu marcher sur la route ,pour en prendre un autre ils se sont montrè violent nous barant la route,,c'est des methode de mafieux,de bandit,ne prenez pas ces voyous!!