Conduire au Sénégal
En janvier 2017, environ 412 000 véhicules étaient immatriculés au Sénégal. Et l'Etat sénégalais rapporte un chiffre de 300 morts pour l'année dernière. La vérité est que moins des 2/3 des véhicules sont en état de rouler et que l'on est plus proches de 200 000 en circulation. Et que les 300 morts sur les routes sont évidemment sous-évalués puisqu'aucune obligation n'est faite aux forces de l'ordre d'établir des statistiques. Des centaines de piétons meurent sur le coup ou quelques jours après avoir été heurtés par un véhicule. Rapportés aux statistiques en France (38 millions de véhicules pour 3200 morts en 2013 soit un mort pour 12 000 véhicules) les chiffres officiels du Sénégal montrent déjà une mortalité 10 fois supérieure : un mort pour 1200 véhicules. En réalité, nous serions plus proches d'un mort pour 400 véhicules soit 30 fois la moyenne des pays développés. Les causes de cette hécatombe sont multiples et autant l'Etat que les conducteurs ont leur part de responsabilité. Quelles sont les dangers de la route au Sénégal et quels sont les usages à connaître ? Que doivent savoir les étrangers et touristes souhaitant conduire sur nos routes, notamment en voiture de location ?
Si les règles de conduite garantissent en théorie la sécurité des automobilistes et des piétons, la réalité de la conduite est parfois périlleuse en raison de spécificités liées au sous-développement et aux carences de l'Etat.
Le premier danger réside dans la qualité de la voirie. En effet de nombreuses routes goudronnées sont dans un état de délabrement avancé et les plupart des travaux effectués pour les réparer ne durent pas plus longtemps que jusqu'à l'hivernage suivant (saison des pluies). Surchage des camions qui ruine les voies bitumées et corruption qui amincit l'épaisseur du goudron sont autant de raisons qui expliquent les trous qui parsèment les routes du Sénégal. Certaines voies sont dans un tel état qu'il est impossible de rouler à plus de 30km heure sans casser les véhicules, même les 4x4 les plus solides.
Photo à droite : voiture carbonisée sur une mauvaise piste près de Joal.
Cependant, le plus grand danger vient des routes qui sont globalement bonnes : on y roule à grande vitesse sans s'attendre à l'inévitable trou béant qui nécessitera un fatal grand coup de volant. La vigilance doit donc être de mise en permanence et l'ensemble du réseau routier sénégalais est concerné (à part celui de la région d'origine du président en exercice et les quelques kilomètres d'autoroute à péage...).
Le second danger vient de l'absence de signalisation. Les panneaux sont quasiment inexistants au Sénégal. Ainsi, à Dakar, la moitié des rues du centre-ville est en sens unique sans qu'on ne puisse le savoir autrement qu'en regardant dans quel sens circulent les autres véhicules. Pour lutter contre la mortalité élevée de piétons dans les villages (des enfants la plupart du temps), le moindre hameau, même bordant des pistes en latérite, compte au moins deux dos d'âne, gigantesques et souvent "faits maison" par les villageois..., à l'entrée et la sortie de la zone habitée. Ces dos d'ânes n'étant le plus souvent pas signalés (pas plus que ne le sont les villages), il n'est pas rare que les véhicule les abordent à grande vitesse (surtout de nuit) provoquant ainsi des accidents aux graves conséquences matérielles et humaines. Comme pour les énormes nids de poules, plus l'attention est distraite par de longues portions sans village, plus l'abord d'une zone habitée est dangereuse.
Photo à gauche : entrée de la commune de Gueoul en provenance de Saint-Louis. Le panneau de limitation de vitesse est exceptionnel.
Le troisième danger se situe dans la circulation au coeur des zones urbaines denses, en particulier dans l'agglomération dakaroise. Commerces pullulant illégalement au ras de la chaussée, piétons zigzaguant sur la route du fait de l'absence de trottoirs ou de l'occupation de ceux-ci par des voitures garées ou des vendeurs à la sauvette, véhicules déboitant à l'improviste du fait de l'absence de signalisation "STOP" ou "CEDEZ LE PASSAGE" sont autant de risques de tuer quelqu'un ou d'être soi-même percuté par un car de transport en commun brinquebalant. Circuler à Dakar, particulièrement dans son centre-ville, est donc réservé aux conducteurs d'élite qui n'ont pas peur de perdre du temps dans des embouteillages légendaires.
Le quatrième danger vient directement de l'état des véhicules en circulation au Sénégal. Un grand nombre d'entre eux n'ont ainsi pas de rétroviseurs, pas d'essuies-glaces fonctionnels (à quoi bon quand il pleut quelques jours par an...), pas de freins ni de pneus entretenus ou pas de phares. L'absence d'éclairage fonctionnel et une des plus grandes causes d'accident au Sénégal. Quand une voiture arrive de nuit derrière un camion poussif qui roule à 30km/h sans phares, c'est le choc assuré. En dehors des agglomérations, de nombreuses charrettes circulent en outre sur les voies la nuit sans disposer d'aucun éclairage. Une seconde d'inattention ou une vitesse excessive (supérieure à 50km/h) et les conducteurs heurtent sans merci l'attelage imprudent faisant un ou deux morts humains et envoyant un cheval au paradis.
Photo à droite : poids lourd roulant "penché" sur la route Dakar-Mbour. Surcharge, essieux tordus, amortisseurs HS forment le cocktail habituel des accidents impliquant des camions.
Les pneus usés provoquent quant à eux règulièrement deux types d'accident : les uns survenant en saison humide lorsque la chaussée est mouillée et que la distance de freinage est considérablement allongée par des pneus aussi lisses que les fesses d'un bébé. Les autres résultant en toute saison de l'éclatement d'un pneu en pleine circulation. Tous les kilomètres il est ainsi possible de voir un camion ou une voiture arrêtée au bord de la route avec un chauffeur tentant de changer la roue si par bonheur il a en une de secours. Les camions sont les plus concernés par ces éclatements car du fait du prix élevé de remplacement des pneus, ces derniers sont souvent recousus au fil de fer au lieu d'être changés... Les conducteurs étrangers ne connaissant pas les usages du Sénégal doivent d'ailleurs à ce sujet être particulièrement vigilant lorsqu'ils voient des branchages sur la chaussée : ces branchages tiennent lieu de triangle de signalisation indiquant qu'un véhicule est en panne quelques mètres plus loin.
Le dernier danger est à trouver dans l'ignorance du code de la route qu'ont un grand nombre de conducteurs. Il faut savoir que beaucoup d'entre eux ont obtenu le permis à une époque où les auto-écoles n'existaient pas et où il suffisait de payer un fonctionnaire corrompu pour avoir le précieux sésame. Ainsi, le clignotant, quand il fonctionne, n'est que rarement utilisé au Sénégal. Les pleins phares sont employés sans trop savoir pourquoi mais en tous cas toujours au mauvais moment. Les lignes anti-dépassement (quand elles aussi existent) n'ont qu'une signification ésotérique pour la plupart des conducteurs sénégalais. Tous les articles de loi, qu'il s'agisse de priorité, de protection des piétons ou d'entretien du véhicule, sont ignorées. Toutes ces entorses au code de la route forment finalement une règle routière que chacun doit connaître pour rester en vie : il n'y a pas de règle et il faut donc rester sur ses gardes en permanence. En somme, l'absence de respect des règles est une règle en soi !
L'essentiel du code de la route sénégalais correspond à ce que l'on peut trouver en Europe de l'Ouest bien que, dans la pratique, l'absence de signalisation rende ce texte bien inutile.
La vitesse est limitée à 90km/h sur les routes, à 50km/h dans les zones habitées et à 130km/h sur les quelques kilomètres d'autoroute que compte le Sénégal. Quelques spécificités comme la priorité à droite dans les ronds-points (parfois...) peuvent néanmoins paraître étranges. La règle la plus importante à mémoriser demeure cependant la loi du plus fort. Le semi-remorque a priorité sur le camion qui a priorité sur la voiture qui a priorité sur la charrette qui a priorité sur le vélo qui a priorité sur le piéton. Ignorer cette règle précipite au cimetière.
Il faut également savoir que, sur une partie importante du réseau routier sénégalais, des pistes parallèles longent les voies goudronnées. Dans les nombreuses zones où le goudron parsemé de trous ruine les véhicules, ceux-ci préfèrent ainsi rouler sur ces voies parallèles beaucoup moins dangereuses pour les pneus et les suspensions. Il ne faut donc pas s'étonner de voir sur certains axes délabrés les véhicules rouler... de chaque côté de la route. D'autant que ces chemins servent parfois de raccourcis, parfois de chemins de contrebande ou parfois de déviations anti-gendarmes !
Par ailleurs, les traversées inattendues d'animaux ou d'enfants (autant en milieu rural qu'en milieu urbain) sont fréquentes et très dangereuses. L'autoroute allant de Dakar à l'aéroport de Yoff n'est pas épargnée puisque n'importe quel piéton la traverse imprudemment. La nouvelle autoroute payante semble être épargnée par ce phénomène.
Photo à gauche : traversée d'un singe pata sur la route à l'entrée du village de Keur Sambel près de Sokone, Saloum.
Les contrôles de police sont fréquents mais concernent assez rarement les voitures particulières. Les forces de l'ordre se concentrent en effet sur les transports de marchandise et les transports en commun qui cumulent un très grand nombre d'infractions administratives et de sécurité. Les papiers du véhicule et du conducteur (permis de conduire, carte grise, vignette et assurance) sont alors vérifiés en détail. Il est recommandé de toujours regarder 100 mètres à l'horizon si des policiers ou gendarmes ne sont pas au bord de la route prêts à vous arrêter car, le cas échéant, il est difficile de freiner à temps.
Les étrangers peuvent conduire avec leur permis de conduire national à condition qu'il soit rédigé en langue française. Sinon il faudra vous munir du permis de conduire international (en France cela est gratuit et se délivre en 48H dans toutes les préfectures en se munissant de deux photos et du permis de conduire national).
L'obtention du permis de conduire est l'objectif d'un nombre grandissant de citoyens sénégalais, qu'il s'agisse d'une nécessité pour exercer un emploi ou de la possibilité de plus en plus répandue d'avoir un véhicule personnel. Jusqu'au milieu des années 2000 les auto-écoles n'existaient ainsi dire pas. Il y en avait une quinzaine dans tout le pays. La situation a beaucoup évolué et, si la corruption n'a pas disparu, la plupart des permis sont aujourd'hui délivrés à l'issue de leçons de conduite et d'un examen. De nombreux étrangers viennent d'ailleurs passer leur permis à Dakar, permis réputé bon marché et facile à obtenir (voir la page "passer son permis de conduire au Sénégal").
Les conditions d'examen et de conservation du permis montrent cependant que ce document n'a que la valeur que la loi lui donne ! Ainsi, détenir le permis de conduire ne signifie pas "savoir conduire" mais "avoir le droit de conduire". D'une part une grande partie des plus anciens titulaires d'un permis de conduire (y compris de camion et bus de transport en commun) est composée d'illettrés n'ayant raisonnablement pas pu suivre une quelconque formation théorique. C'est le cas notamment des conducteurs de cars rapides, de taxis-brousse et de minibus "Ndiaga N'diaye". D'autre part, bien que l'idée de l'instituer ait été évoquée mi-2013, le permis de conduire sénégalais n'est pas un permis à point : une fois obtenu, on est assuré de le conserver jusque dans la tombe puisqu'aucune décision de retrait de permis n'est jamais prononcée par les juges y compris en cas d'accidents graves dus à des négligences ou à des infractions au code de la route. Les tarifs pratiqués par les auto-écoles varient en fonction des régions et des véhicules utilisés. Début 2014, la moyenne des tarifs constatés était de 140 000FCFA (environ 213€).
Vos contributions et commentaires sur le contenu de cette page
je sens de la méchancheté dans les écritures de celui qui écrit ce texte. tu temps à minimiser toujours les infrastructures du pays, c'est normal, puisque la france nous vole tout alors on ne peux rien avoir