A.T.
: Qu'est-ce qui manquait le plus dans ce quartier, en fait : l'eau, l'électricité.
Avant, il n'y avait pas cette solidarité. Il y avait la violence, il y avait la
drogue. Il n'y avait même pas d'eau.
C.D.
: Comment expliquez-vous le fait qu'il n'y avait pas d'eau ?
A.T.
: Il y avait une usine ici qui avait des champs, ce qui lui permettait d'avoir
des légumes frais. Des ouvriers se
sont installés au fur et à mesure. En ville, les loyers sont chers. Ici, ils étaient
à proximité de leur lieu de travail. Ce qui les intéressait, c'était de pouvoir
dormir. Il ne s'agissait pas de s'abonner à l'eau. L'eau ne vient pas toute seule.
Il faut s'abonner.Avec la collaboration de l'écopole, ils ont eu às'organiser pour l'eau courante. La bassine
est à 10 F.2, le sceau à 5 F. 3. Auparavant,
ils étaient obligés d'aller soit dans le camp militaire, soit d'aller à des kilomètres
chercher de l'eau encore plus cher, à 50 F. la bassine4.
Maintenant, il y a une certaine
répartition du terrain : les artisans, les mariés, les célibataires
Tout
cela, c'est le produit de leur désir.
|
C.D.
: L'écopole, c'est une expérience unique à Dakar ?
A.T.
: Pour le moment, oui. Ça c'est fait après plusieurs années de lutte. Il y a certaines
associations qui n'ont que leur siège ici, nous leur servons de boîte postale.
L'écopole, c'est une synergie des
équipes de ENDA.
C.D.
: Quels sont les fonds qui vous permettent de travailler ici, en dehors de ENDA
? Y a t-il des subventions de l'état
?
A.T.
: Il y a la commune qui est partenaire.
C.D.
: En fait, vous faites le travail de l'état
qui semble tout à fait défaillant.
A.T.
: L'état sénégalais n'a pas les compétences, les capacités et les
moyens d'assurer l'éducation, d'où la création d'école parallèles. Je ne porte
pas de jugement sur la défaillance de l'état,
je la constate simplement et nous tentons ici d'y remédier.
C.D.
: Y a t-il une différence d'adaptation entre les filles et les garçons ? |
A.T.
: Il n'y a pas de différence. Tout le monde a envie de s'en sortir. Il y a des
moments où ils sont ensemble, soit pour apprendre à lire ou à écrire, soit pour
faire des activités. Ils sont toujours impliqués parce qu'ils sont tout de suite
informés. S'il y a un besoin de changement, il n'y a pas de problème.
C.D.
: Est-ce qu'il y a des innovations, des idées des enfants qui vous ont étonnées
?
A.T.
: Au niveau de la création. Ils regardent dans les revues. Ils voient des modèles
qu'ils veulent créer. Ils veulent aussi faire des visites découvertes, des visites
de certains sites. Ils sont même prêts à se cotiser pour partir. C'est un élan
qui est déjà appréciable. En plus de ça, les filles, à leur niveau, vont dans
les autres centres pour demander comment on fait ceci, comment on fait
cela. Le fait de proposer toujours de nouvelles choses, le fait d'avoir cet élan
qui leur permet de découvrir, c'est des choses qui montrent que vraiment ils ont
envie d'avancer. Certaines initiatives, comme le fait de balayer la cour à tour
de rôle, sont propres aux enfants. Nous, on ne sert que de facilitateurs. Notre
but est qu'ils essaient de se départir de cette démarche assistancielle, qu'ils
prennent des initiatives, qu'ils fassent des propositions. |
C.D.
: ça doit être difficile de partir
d'ici quand on y a passé des années. C'est une vraie famille.
A.T.
: C'est pour cela qu'on revoit toujours d'anciennes personnes. Dans chaque atelier,
il y a des groupes qui travaillent à l'extérieur, qui reviennent le soir et repartent
le matin. C'est une préparation à l'insertion. Ils savent qu'ils peuvent faire
appel à nous s'ils en ont besoin pour résoudre tel ou tel problème, administratif,
financier parfois mais sous la forme de prêt, pour qu'ils apprennent qu'il faut
rembourser.
L'écopole
a été mise en place par ENDA grâce à l'initiative populaire, en étroite collaboration
avec la mairie de Dakar et celles d'autres métropoles ouest-africaines, ainsi
qu'à des appuis substantiels de l'Union européenne, de la France, de la C.F.D.,
de la Suisse, de l'Autriche, des Pays-Bas et du Canada.
Dakar, novembre 1998
__________________
1 écopole
ouest-africaine, ENDA tiers-monde, B.P. 3370, Dakar, Sénégal. Tél. : (221)
821.60.27 et 822.42.29
fax : 822.26.96
ecopole@enda.sn
2 soit 10 centimes (en FF)
3 soit 5 centimes (en FF)
4 soit 50 centimes (en FF) |