Notre
objectif, c'est de leur faire voir autre chose. On peut par exemple partir à l'extérieur
de la ville avec vingt jeunes, on se lave, on porte des habits propres, on mange,
on fait des activités, c'est-à-dire ce qu'on avait décidé la veille en regroupant
les propositions des enfants.
En fait, les enlever de la rue,
est-ce que c'est une solution, est-ce que ce n'est pas une solution ? Ce qu'on
essaie de faire, c'est de positiver la situation. Il faut qu'ils s'adonnent, même
dans la rue, aux choses qui peuvent les faire avancer. Il y a un élan de solidarité.
Il y a une certaine fraternité. Ils sont très intelligents. Parfois, tu as l'impression
d'être devant des adultes qui te parlent de leur expérience comme des vieux.
C.D.
: On peut dire que c'est un succès ou vous avez une part d'échec que vous pouvez
estimer ? Tous les enfants qui viennent ici ressortent-ils avec un minimum de
formation et surtout l'envie de s'en
sortir seuls ?
A.T.
: Nous, c'est pas le succès qui nous intéresse. Les enfants viennent proposer
des activités, on change ce qu'on avait prévu pour satisfaire la masse. |
C.D.
: Vous vous adaptez aux besoins.
A.T.
: On s'adapte toujours aux besoins qui se font ressentir.
C.D.
: Depuis combien de temps existez-vous ?
A.T.
: On a été créé le 13 avril 1996, date de l'inauguration de l'écomusée mais en
fait, il y avait une écopole au niveau du centre culturel Blaise Senghor pour
initier les jeunes à l'informatique.
C.D.
: Vous avez ici, dans une autre partie de vos locaux, une grande pièce réservée
à une exposition intitulée "Ingénieuse Afrique". De quoi s'agit-il ?
A.T.
: C'est une exposition internationale itinérante qui a fait le Bénin, la Côte
d'Ivoire, le Mali, le Sénégal et le Canada. On y voit ce qu'est le phénomène de
récupération, le recyclage en Europe à l'époque des "efforts de guerre",
et la pratique en Afrique sous toutes ses formes.
Le phénomène de récupération a
été favorisé par le fait que certains quittent la campagne pour la ville et sont
venus sans formation en espérant trouver du travail. |
Ils
ont été confrontés à des difficultés qui les ont amenés à réfléchir. Ramasser
dans les poubelles et aller vendre, c'était un avantage qui s'offrait à eux. Ils
ont eu à s'organiser en groupes au niveau des décharges et amener la matière première
aux artisans.
Qu'est-ce qui est ramassé dans
les poubelles :
-
le métal
-
le verre
-
le plastique
-
le tissu
-
le caoutchouc
-
le papier.
C.D.
: Ces mallettes faites de boîtes de conserve et de sodas ont un succès international.
Comment expliquez-vous ça ?
A.T. : La malle,
ça offre un clin d'il sur les habitudes alimentaires.
Puis, il y a les garde-manger
faits en fil de fer pour ceux qui n'ont pas l'électricité, ou de frigo. Il y a
des lampions, des chaussures à base de pneus de voiture, un sac en plastique transformé
en corde, des napperons faits d'emballage de bonbons faits au Swaziland par les
réfugiés mozambicains, des objets en papier mâché, etc.
C.D. : Ici, nous
avons des jouets : des avions et des voitures faits de matériel de récupération. |
A.T.
: Il y a des personnes qui se sont amusées à faire le Concorde. Ce sont des gens
de trois pays différents qui n'ont pas les mêmes réalités culturelles et c'est
ainsi qu'en Côte d'ivoire, le Concorde a l'air d'un Boing, au Zimbabwe, il a l'air
d'un avion de guerre et au Sénégal, c'est beaucoup plus raffiné ! Il y a également
des jouets qui nous rappellent le phénomène qui se passe chaque année en décembre
: le rallye Paris-Dakar.
Les deux tiers de l'économie
du Sénégal sont basés sur le secteur informel. C'est un secteur qui est à favoriser
parce que ça sert de catalyseur, de régulateur, par rapport aux foyers de tension
qui peuvent exister. Chacun peut faire ce qu'il a à faire mais dans un élan de
solidarité. Le fondeur d'aluminium, pour ses outils, doit aller voir le forgeron
; le forgeron, pour travailler, il faut qu'il aille voir le ferrailleur, etc.
Il s'agit aussi de créer des
systèmes de cotisations, des tontines. On les aide à s'en sortir avec des solutions
qu'on élabore ensemble.
C.D.
: Qu'est-ce qui manque le plus dans ce quartier ?
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